- biolabfr
Territoire et distance

Notre projet prévoit le développement et l'articulation communautaire d'un bio-laboratoire mobile et modulaire comme dispositif et plateforme d'étude et d'action environnementale intégrale, axé sur la sensibilisation, la prise de conscience et la préservation des écosystèmes présents dans le Parc Naturel Marin de l'Estuaire de la Gironde. La première étape de l'exploration du territoire a été affectée par la pandémie. Nous n'avons jamais pu atteindre le parc et cela ne sera pas possible dans un avenir proche.
En réfléchissant comment déployer des actions qui nous permettraient d'agir sur le territoire (territoire, espace, lieu ?), plusieurs questions et idées se sont posées.
De quoi parlons-nous lorsque nous faisons référence à l'espace, au territoire ou au lieu ? Lorsque nous parlons d'espace, nous faisons référence à la condition et à la dimension où l'expérience est basée. Le territoire, en revanche, est le produit de cette expérience, il est l'espace incarné, approprié, vécu. C'est l'espace traversé et façonné par l'histoire, par la culture, par l'art. C'est une construction. Un lieu, par contre, est un territoire qui peut être nommé (Buenos Aires, La Rochelle, Caseros). Le territoire fonctionne alors presque comme une interface qui relie l'espace au lieu. Un lieu peut être tel parce qu'il est d'abord un territoire et le territoire est tel parce qu'il est le produit de l'expérience dans l'espace. C'est une conquête, une appropriation d'un certain espace.
L'expérience, c'est-à-dire l'action propre dans l'espace pour qu'il devienne un territoire, est-elle possible si nous n'habitons pas physiquement cet espace, si nous ne le traversons pas ? comment générer une expérience à distance ? la distance, lorsqu'elle diffère (axe temporel) et sépare (axe spatial) l'espace n'efface pas alors la possibilité que le territoire émerge ? Ces questions, et d'autres, sont apparues avant l'impact initial de voir que l'espace disparaissait dans nos isolements - ce qui a également posé des dilemmes par rapport à un projet qui se voulait collaboratif et, du moins, qui n'a jamais été destiné à ce que cette collaboration ait lieu à distance.
La vérité est que jusqu'alors, tout ce qui avait été prévu semblait disparaître. Et puis, comment générer des territorialisations s'il n'y a pas d'espace ? Selon Régis Debray, "Ce n'est pas parce que nous mettons le monde en réseau que nous pourrons habiter ce réseau comme un monde". Alors, est-il possible de vivre l'espace, de le conquérir et de le territorialiser, à partir de ce réseau dans lequel nous sommes piégés en temps de pandémie?